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La qualité de l’eau du robinet a un coût
Date de publication : le 05/04/2018
Dans une tribune publiée dans Le Monde, Bertrand Camus, Président de la FP2E, rétablit des vérités souvent balayées par les débats insufflant l’idée selon laquelle « l’eau est trop chère ». Il rappelle que les services indispensables à son prélèvement dans le milieu naturel, à son traitement, à sa distribution et à sa dépollution après usage ont un prix.
En France, l’eau distribuée présente une qualité en permanence conforme pour plus de 97 % des consommateurs. Ce chiffre est extrêmement encourageant. Il ne faut pourtant pas perdre de vue que près de 2 millions de Français boivent une eau parfois non conforme, principalement dans les territoires ruraux et de montagne. Dans les zones les plus rurales, le taux de non-conformité est vingt fois supérieur à celui des zones les plus urbaines.
La qualité de l’eau au robinet n’est pas un fait acquis. Dans ce contexte, les débats faisant de la réduction du prix l’alpha et l’oméga de la gestion des services d’eau sont démagogiques. Ils diffusent l’idée reçue selon laquelle l’eau serait une ressource inépuisable, de qualité égale sur l’ensemble du territoire et qui pourrait donc être quasiment gratuite. La réalité est que si l’eau est gratuite dans le milieu naturel, les services indispensables à son traitement, à sa distribution puis à sa dépollution ont un coût : c’est le prix de la qualité.
Combattons d’abord un faux problème : des études comparatives menées à l’échelle européenne démontrent qu’avec une moyenne proche de 4 euros pour 1 000 litres, le prix du service de l’eau est plutôt bas en France au regard de son haut niveau de qualité. De fait, les pays où les services d’eau sont vraiment moins chers ont accumulé des retards inquiétants dans la modernisation de leurs infrastructures. C’est le cas de l’Italie en particulier, où l’hypothèse d’une interruption de la distribution d’eau pour les Romains durant l’été 2017 a fortement inquiété.
Rappelons, ensuite, que les acteurs et les observateurs habilités (Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Agence française pour la biodiversité, agences de l’eau) préconisent un prix reflétant, pour chaque service, une gestion responsable et préservant le pouvoir d’achat des Français.
0,8 % du budget des ménages
C’est aujourd’hui le cas, puisque les ménages consacrent en moyenne 0,8 % de leur budget au service de l’eau et de l’assainissement, une proportion stable depuis une quinzaine d’années et bien moindre que celles de l’énergie (4 %) et des télécommunications (2,2 %).
En outre, des dispositifs de solidarité sont mis en œuvre par les collectivités locales et les opérateurs pour préserver l’accès à l’eau des personnes en situation de précarité. Dans les services gérés par les entreprises, ce sont par exemple des « chèques eau » émis et distribués localement, des structures tarifaires sociales, des fonds contractuels « solidarité eau » développés en partenariat avec les associations locales.
DANS LES ZONES LES PLUS RURALES, LE TAUX DE NON-CONFORMITÉ
EST VINGT FOIS SUPÉRIEUR À CELUI DES ZONES LES PLUS URBAINES
Au plus près de leurs administrés, les élus fixent localement un prix cohérent avec la particularité de chaque territoire, lié à l’existence, ou non, de tensions quantitatives sur la ressource, à l’exposition plus ou moins importante des ressources à diverses causes de pollutions.
En application du principe selon lequel « l’eau paie l’eau », le financement des investissements indispensables à la gestion des services repose sur les recettes des services perçues via les factures d’eau. Voilà pourquoi vouloir diminuer drastiquement le prix des services d’eau et d’assainissement reviendrait à accepter que la qualité de l’eau se dégrade, que l’exposition des réseaux aux risques de fuite soit maintenue et amplifiée, et que la présence de substances nocives compromette la sécurité sanitaire des consommateurs. Ce serait aussi renoncer à la lutte contre les micropolluants rejetés dans l’environnement, dont la réalité ne cesse de se confirmer.
Sens et valeur
Les Français ont pris conscience de la nécessité de s’engager dans une consommation plus responsable, plus durable, plus porteuse de sens et de valeur. Le développement des circuits courts, le succès des produits « bio », l’engagement de nouveaux modèles comme l’économie collaborative, démontrent l’évolution des choix sociétaux et économiques. En 2016, plus de la moitié de nos concitoyens se déclarait prête à payer l’eau plus cher pour qu’elle soit de meilleure qualité (Baromètre TNS Sofres « Les Français et l’eau »).
L’un des défis majeurs de notre pays est de veiller à ce que la fracture territoriale dans le secteur de l’eau, sourde et invisible, ne s’aggrave pas dangereusement. Des solutions de financement innovantes peuvent être mises en œuvre, et le regroupement de collectivités locales doit permettre de mutualiser les moyens pour garantir une bonne qualité d’eau dans les zones rurales.
AU RYTHME ACTUEL, IL FAUDRAIT 170 ANS POUR REMPLACER NOS CANALISATIONS !
La qualité de l’eau au robinet ne cesse de s’améliorer au gré des avancées scientifiques et médicales. Ainsi, la Commission européenne prévoit-elle de protéger davantage les populations d’éventuelles traces de plomb dans l’eau en abaissant drastiquement les seuils normatifs relatifs à ce métal. Ce durcissement des normes répond aux préconisations de l’Organisation mondiale de la santé.
Et pourtant, des voix osent encore contester ces évolutions partagées au sein de l’Union européenne. Porter un discours de vérité, c’est reconnaître l’avancée que constitue pour nos concitoyens l’adoption de normes plus contraignantes, et aussi admettre que la France doit être plus ambitieuse dans ses politiques de renouvellement des infrastructures de l’eau. Au rythme actuel, il faudrait, par exemple, soixante-dix ans pour remplacer nos canalisations !
Dépolluer et protéger
Cette bataille pour la qualité de l’eau, les collectivités, les entreprises de l’eau et tous les acteurs doivent la mener en renouvelant les infrastructures, en investissant pour mieux dépolluer les eaux après usage et protéger les milieux aquatiques…
Le traitement des eaux usées et la préservation contre les pollutions émergentes sont en effet les autres défis. La Commission européenne vient de mettre en demeure notre pays de rendre conforme 370 agglomérations en matière d’assainissement. Financer ces investissements — notamment pour rendre nos usines d’épuration plus performantes — est une question centrale. A fortiori dans un contexte économique défavorable pour les collectivités territoriales.
L’enjeu de ce renouvellement est pourtant crucial : entre 80 % et 90 % des micropolluants présents dans les eaux usées peuvent déjà être traités grâce aux technologies que nous avons développées. Encore faut-il qu’elles soient installées, comme cela est en train d’être fait chez nos voisins suisses.
L’eau est une ressource vitale et, on le néglige trop souvent, fragile. La respecter implique de la préserver dans son état naturel, de faire face aux enjeux de sa distribution, de préserver son accès en renforçant les aides aux personnes démunies, de relever les défis de son traitement… C’est la vocation des entreprises de l’eau et le rôle des collectivités locales.
Consulter la tribune de Bertrand Camus en ligne sur www.lemonde.fr
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